Le Code du travail français trace une ligne nette : ici, la paie, c’est en euros, point final. Pourtant, ailleurs, certaines entreprises internationales s’affranchissent de cette règle. Elles proposent, parfois ouvertement, de régler leur équipe en cryptomonnaies, totalement ou en partie. Cela implique pour les salariés un risque immédiat : la valeur de leur salaire peut bondir… ou s’effondrer, au gré du marché. Côté fiscalité, c’est un vrai casse-tête.
Dans d’autres régions, le paysage change. Les plateformes de freelancing et les startups technologiques n’hésitent plus à rémunérer directement en bitcoin ou en ether, sans passer par la case conversion. Résultat : tout le monde avance dans une zone grise, balancée entre incertitudes réglementaires, questions de sécurité et volatilité des revenus.
Les salaires en cryptomonnaies gagnent-ils du terrain dans le monde professionnel ?
Le paiement en cryptomonnaies progresse, mais ce n’est pas la révolution tous azimuts. Aujourd’hui, ce mode de rémunération concerne surtout quelques secteurs bien ciblés, dans des pays où la législation le tolère. En 2024, d’après les statistiques récentes, près de 10 % des salariés dans des entreprises liées à la crypto ont touché tout ou partie de leur salaire en monnaies numériques. Un chiffre en forte hausse par rapport à l’an passé, où ils n’étaient que 3 %. L’essor de l’écosystème blockchain, conjugué à l’appétit des talents tech pour plus de flexibilité, pousse la tendance.
Dans cette dynamique, les stablecoins raflent la mise. 90 % des salaires versés en cryptos le sont en USDC, DAI ou USDT. L’explication est simple : la volatilité du bitcoin ou de l’ether effraie. Les stablecoins, eux, offrent une stabilité bienvenue, même si l’USDT reste absent des principales solutions de paie comme Deel, Remote ou Rippling.
Sur la carte du monde, les différences sautent aux yeux. Aux États-Unis, au Royaume-Uni ou au Salvador, recevoir son salaire en cryptomonnaies ne pose aucun souci légal. En France, la loi demeure inflexible et n’autorise que l’euro. Certains pays, comme la Chine, l’Égypte ou le Qatar, interdisent purement et simplement ces paiements alternatifs.
Les acteurs et les usages
Quelques exemples illustrent les pratiques et leur évolution :
- Depuis 2017, GMO Internet Group laisse ses salariés choisir le bitcoin pour leur paie.
- Bitwage, de son côté, simplifie les paiements transfrontaliers en bitcoin et en stablecoins, s’affranchissant ainsi des barrières monétaires classiques.
- Ce mode de rémunération attire surtout développeurs, ingénieurs et cadres de la blockchain, mais il séduit aussi d’autres profils, notamment dans les pays frappés par l’inflation ou l’instabilité monétaire, comme en Argentine, au Liban ou aux Philippines.
Le développement des paiements en cryptomonnaies dépend encore fortement des choix réglementaires, de la fiscalité et de la maturité des infrastructures. Les indicateurs sont à la hausse, mais une adoption massive reste freinée par des barrières structurelles tenaces.
Panorama des métiers concernés et des niveaux de rémunération observés
Le secteur blockchain attire aujourd’hui une nouvelle génération de profils techniques et financiers. Développeurs, ingénieurs spécialisés dans les smart contracts, experts en sécurité, traders en actifs numériques : ces métiers gagnent du terrain. Des entreprises pionnières comme GMO Internet Group ou Bitwage recrutent des talents capables de naviguer dans un univers globalisé, où la maîtrise des cryptomonnaies et la compréhension de la DeFi deviennent incontournables.
Niveau salaire, la rareté fait grimper les chiffres. Un développeur blockchain expérimenté touche, selon les enquêtes sectorielles, entre 70 000 et 180 000 dollars par an, et les profils seniors dépassent parfois ce plafond. Les traders spécialisés en crypto monnaies bénéficient eux aussi de rémunérations élevées, souvent liées à la performance ou à la plus-value réalisée. Au-delà de ces métiers techniques, le mouvement gagne les domaines du design, de la gestion de communauté ou de la création de contenus NFT, où les salaires varient davantage.
Dans certains contextes, la cryptomonnaie dépasse les frontières du secteur tech. Aux Philippines, par exemple, AXIE Infinity a permis à des milliers de joueurs de générer des revenus numériques. À Cabanatuan, certains foyers vivent désormais de ces gains, preuve que l’économie crypto s’ancre dans la vie quotidienne.
Le secteur reste majoritairement masculin (environ 73 % des effectifs), mais la diversité progresse. Des profils variés sont désormais attirés par la promesse de carrières en expansion et de rémunérations attractives, loin du cliché du seul ingénieur ou trader.
Ce que dit la loi : cadre juridique et fiscalité des paiements en crypto
Le droit français verrouille l’usage des cryptomonnaies pour la paie : le salaire doit être versé dans une monnaie ayant cours légal. L’euro s’impose, que l’on parle de bitcoin ou même de stablecoin adossé au dollar ou à l’euro. Aucune exception n’est tolérée pour les bulletins de salaire.
À l’échelle internationale, la situation varie fortement. Les États-Unis, le Royaume-Uni ou le Salvador acceptent le paiement en cryptomonnaies, à condition que le salarié soit d’accord et que les règles sociales soient respectées. D’autres pays, comme la Chine, l’Égypte ou le Qatar, interdisent toute transaction salariale en actifs numériques.
Fiscalité : mode d’emploi
En France, la fiscalité des cryptomonnaies frappe au moment de la conversion en euros. Que l’on ait gagné ses tokens via du trading, du minage ou comme rémunération indirecte, toute plus-value est taxée via la flat tax à 30 %. Cette règle vaut pour les particuliers dès lors qu’ils échangent leurs crypto-actifs contre de la monnaie fiduciaire.
Voici quelques points à connaître pour éviter les erreurs :
- Le salaire officiel doit toujours être déclaré en euros, même si une part est versée en bitcoin en parallèle.
- La taxation intervient au moment où la cryptomonnaie est déposée sur un compte bancaire, pas avant.
Les modalités d’imposition diffèrent d’un pays à l’autre, en fonction des seuils, du type d’actif numérique ou encore de la nature des opérations réalisées. Tenir une comptabilité précise de ses transactions s’avère indispensable pour anticiper impôts sur le revenu et taxes sur les gains en capital.
Avantages, limites et perspectives d’avenir pour les salariés et les employeurs
Le paiement en cryptomonnaies change la donne sur plusieurs plans : transferts quasi-instantanés, frais minimes, suppression des frontières. Les salariés travaillant à l’international, longtemps confrontés aux lenteurs bancaires, découvrent une agilité nouvelle. Bitwage incarne ce virage, en permettant le versement de salaires en bitcoin à travers le globe, une évolution appréciée dans le secteur technologique.
Pour les employeurs, proposer une rémunération en actifs numériques, c’est attirer les talents les plus recherchés, ceux en quête d’innovation et de flexibilité. L’écosystème blockchain valorise la liquidité et la stabilité : 90 % des paies en cryptos transitent par des stablecoins comme l’USDC. Mais la volatilité reste un risque : le pouvoir d’achat peut chuter en quelques heures pour ceux payés en bitcoin ou en ethereum. Même les stablecoins n’offrent pas une garantie absolue.
Sur le plan fiscal, la complexité est réelle. Entre gestion des plus-values, suivi des flux et respect des règles, les entreprises comme les salariés doivent redoubler de vigilance. Certaines plateformes, comme Deel, Remote ou Rippling, refusent encore l’USDT pour la paie, au profit de l’USDC, plus répandu.
Pour affronter cette nouvelle réalité, plusieurs stratégies sont utilisées :
- Gestion active des actifs : hold, staking, DCA, arbitrage, mais la prudence reste de rigueur dans un marché encore jeune.
- Des institutions comme JP Morgan ou Blackrock recommandent désormais d’inclure la crypto dans les portefeuilles d’investissement.
Entre innovation et nécessité de respecter les règles, salariés et employeurs qui choisissent la rémunération en cryptomonnaies expérimentent un nouveau rapport au travail. Le futur du salaire, lui, pourrait bien se jouer à la frontière du code et du contrat.


